En automne dernier, Google a annoncé qu’il avait atteint la suprématie quantique. Si cela vous semble un peu abstrait et sans intérêt pour un utilisateur moyen, détrompez-vous. Ce que l’équipe de Google a fait, en gros, c’est utiliser un ordinateur quantique pour résoudre un problème qui aurait découragé même le superordinateur le plus sophistiqué. Impressionnant, n’est-ce pas ?
De plus, l’évolution de l’informatique quantique a des conséquences directes sur la sécurité de vos données. Après tout, de nombreuses méthodes de protection du monde numérique sont basées non pas sur le fait d’être inviolables, mais sur le fait d’être inviolables dans un laps de temps raisonnable. Nous examinons donc ici le nouveau jouet de Google et nous nous demandons si nous devons nous inquiéter des cybercriminels qui l’utiliseront peut-être un jour pour pirater nos vies.
Qu’est-ce qu’un ordinateur quantique ?
La principale différence entre les ordinateurs quantiques et le type de transistors traditionnels que nous utilisons tous aujourd’hui est la façon dont ils traitent les données. Les appareils que nous connaissons, smartphones, ordinateurs portables ou encore superordinateur spécialisé dans le jeu d’échecs Deep Blue, stockent tout sous forme de bits, un bit étant le nom de la plus petite unité d’information. Un bit a une valeur qui peut être de 0 ou 1.
Pensez à une ampoule : elle est allumée (1) ou éteinte (0). Un fichier sur un disque d’ordinateur ressemble à un ensemble d’ampoules, certaines étant allumées et d’autres éteintes. Avec de telles ampoules, vous pouvez encoder des informations, comme la phrase « Albert était là », ou une image de la Joconde.
Lorsqu’un appareil à deux états résout un problème, il doit allumer et éteindre ces ampoules en permanence, en écrivant et en effaçant les résultats des calculs intermédiaires pour éviter qu’ils n’encombrent sa mémoire. Cela prend du temps: si la tâche est très complexe, l’ordinateur réfléchira donc longtemps, très longtemps.
Les ordinateurs quantiques, au contraire de leurs ancêtres, stockent et traitent les données en utilisant des bits quantiques, ou qubits, en abrégé. Ceux-ci ne peuvent pas seulement être allumés ou éteints, mais peuvent aussi se trouver dans un état transitoire ou même être allumés et éteints en même temps. Pour rester sur la comparaison avec une ampoule, un qubit est une ampoule que vous avez éteinte, mais qui continue à clignoter. Ou bien, comme le chat de Schrödinger, qui est à la fois morte et vivante.
Le fait que les « ampoules » d’un ordinateur quantique soient à la fois allumées et éteintes permet de gagner énormément de temps. Par conséquent, un ordinateur quantique peut résoudre des problèmes complexes beaucoup plus rapidement que le plus puissant des appareils traditionnels. Google affirme que sa machine quantique, Sycamore, a effectué en un peu plus de 3 minutes des calculs qui auraient pris 10 000 ans à un superordinateur ordinaire. C’est là qu’intervient le terme « suprématie ».
Les ordinateurs quantiques dans la vraie vie
Nous avons constaté que les ordinateurs quantiques sont très performants pour résoudre des problèmes très complexes. Alors, pourquoi l’ère des transistors ne fait-elle pas déjà partie de l’histoire ancienne ? Parce que la technologie quantique est encore jeune et que l’état de « l’ampoule clignotante » est très instable – sans compter que plus un système contient de qubits, plus il est difficile de maintenir sa stabilité. De plus, la faisabilité de calculs complexes dépend, entre autres, du nombre de qubits : avec deux ampoules, même haut de gamme, vous ne pouvez pas dessiner la Joconde.
D’autres raisons empêchent les ordinateurs quantiques de supplanter totalement leurs prédécesseurs. N’oubliez pas qu’ils traitent les informations d’une manière fondamentalement différente. Cela signifie que les logiciels qui leur sont destinés doivent être développés à partir de zéro. Vous ne pouvez pas simplement installer Windows sur un ordinateur quantique ; il vous faudrait un système d’exploitation et des applications quantiques entièrement nouveaux.
Bien que les scientifiques et les géants de l’informatique commencent à s’aventurer dans les eaux quantiques, actuellement, les ordinateurs quantiques fonctionnent comme des disques durs externes connectés à et contrôlés par des ordinateurs normaux. Ils sont utilisés pour résoudre certains problèmes spécifiques, comme la modélisation d’un atome d’hydrogène ou la recherche dans des bases de données. Malgré la puissance de l’informatique quantique, vous ne pouvez pas encore l’utiliser pour aller en ligne et regarder une vidéo de chats qui font du skateboard.
Néanmoins, nombreux sont ceux qui pensent que l’avenir appartient à l’informatique quantique. Les premiers ordinateurs quantiques sont apparus sur le marché en 1999. Aujourd’hui, de grandes entreprises comme Google, Honeywell, IBM (cette dernière offre même déjà à ses clients un accès Cloud à un ordinateur quantique), Toshiba, Alibaba et Baidu investissent énormément dans ce domaine.
Cependant, il convient de souligner que la tâche résolue par Google n’a aucune utilité pratique, si ce n’est de démontrer les capacités de l’informatique quantique. Nous ne nous attarderons pas sur les détails, car ils sont vraiment très complexes et absolument inutiles pour un utilisateur ordinaire. Si vous voulez étudier les détails, vous pouvez consulter le rapport de Google.
Il faut mentionner que tout le monde n’est pas d’accord avec les 10 000 ans estimés par Google. IBM, par exemple, est convaincu qu’un superordinateur pourrait effectuer la même tâche en un peu plus de 48 heures. Même si cette estimation est plus juste, les non-mathématiciens constateront une différence de vitesse notable entre les ordinateurs quantiques et les ordinateurs traditionnels.
Les ordinateurs quantiques ne sont pas (encore) une menace
Comme vous pouvez le constater, les ordinateurs quantiques restent un jouet pour les scientifiques plus qu’un appareil grand public ou un outil de piratage. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils ne deviendront pas plus pratiques (et dangereux) à l’avenir. Dans cette optique, les experts en sécurité des données élaborent déjà des plans de bataille. Mais nous vous en dirons plus la prochaine fois.